Cinenews N° 108

Asmae Al Moudir : « Le Maroc attendait ce prix depuis 20 ans ! »

2024-02-07

Asmae Al Moudir « Le Maroc attendait ce prix depuis 20 ans ! » À LA VEILLE DE LA SORTIE NATIONALE DE « LA MÈRE DE TOUS LES MENSONGES », LE 21 FÉVRIER, LA RÉALISATRICE ASMAE EL MOUDIR REVIENT POUR CINENEWS, SUR L’HISTOIRE DE CE PREMIER FILM MAROCAIN À AVOIR DÉCROCHÉ L’ÉTOILE D’OR DU FIFM. Propos recoeillis par Keltouoi GDAZALI Quel a été votre premier sentiment, à l’annonce de l’Étoile d’Or du FIFM pour « The Mother of ail lies » ? C’était un moment vraiment précieux, une belle surprise, parce que je savais à quel point, nous les Marocains, nous attendions ce prix, depuis 20 ans ! Pour être sincère, je ne m’y attendais pas, parce que Marrakech n’est pas une compétition facile. La qualité des films choisis est importante et très intéressante. Il y avait d’autres films projetés à Cannes. Pour moi, c’était comme si on avait gagné un grand championnat de football. C’est pour cela que dans mon discours, j’ai été obligée de faire ce parallèle avec ce qu’on a déjà à réussir dans le foot. Je suis très heureuse de qui se passe en ce moment dans le cinéma marocain, et que ce prix précieux et prestigieux revienne au Maroc cette année. Le film a été projeté dans plus de 35 festivals. Est-ce que Marrakech était particulièrement importante pour vous ? Oui, bien sûr. La projection de Marrakech était très importante pour moi parce que c’est ici que j’allais voir pour la première fois la réaction du public marocain envers un film marocain. Envers une histoire marocaine, avec des vrais personnages, qui ne sont pas des acteurs, mais des personnes qui jouent leur propre vie, qui ont besoin de se réapproprier leur histoire, celle de leur pays, et le présenter devant leur public. Nous avons fait le Festival de Cannes, nous avons été partout à Sydney, au festival Karlovy Vary, à Toronto. Aujourd’hui, je suis à Sundance, mais la projection du Marrakech reste vraiment spéciale pour moi. L’idée était-elle de faire un film sur les années de plomb, ou sur une histoire personnelle et familiale? L’idée était de faire un film intime, en se posant la question de savoir où étaient les images de la famille. Ce qui est arrivé après, au cours du projet, c’est la découverte, par hasard, en regardant la télévision, de l’inauguration de ce cimetière en relation avec les années de plomb. C'est à ce moment-là que je commence à me poser les mêmes questions sur les images relatives à cet événement. C’est ainsi que la relation s’est créée entre l’histoire personnelle et l’histoire nationale. C’est donc une toile de fond, plus que principal du film. C’était très bien d’aller crescendo sur une petite histoire familiale intime, et de creuser jusqu’à l’arrivée de la grande histoire. Je crois que ça le cinéma, on commence petit, derrière la naïveté des choses, et on découvre ensuite d’autres choses plus grandes. L’idée du film a germé dans votre esprit depuis presque dix ans. C’est le temps qu’il fallait pour déterrer ce secret de famille? Je n’avais de time line pour ce film. Et puis cela a été très difficile de convaincre les protagonistes. Il a fallu leur donner le temps; ce temps qui a été un sacré révélateur. Il a fallu aussi installer les micros, la caméra, pour écouter et voir comment je pouvais faire cette interaction avec ma famille. Eux qui n’avaient jamais été devant une caméra ! Du point de vue de la création artistique, c’est une histoire qui part de rien. J’ai commencé par une photo et j’ai fini avec SOO heures de rush ! Alors, que fallait-il faire? Il a fallu d’abord créer des choses pour raconter cette histoire et donc mettre en place un dispositif unique. Cela m’a pris beaucoup de temps pour la création du décor et des miniatures, pour jumeler les deux. Les couleurs, la lumière, les techniques et le COVID, il fallait gérer tout cela et dépasser tous les obstacles, et pouvoir finalement faire un film avec ces archives que j’ai créé. En fait, j’ai travaillé durant sept ans à collecter ces images, ce que j’appelle l’archive -, pour passer ensuite à la partie du laboratoire. C’était un essai en format hybride. Je ne savais pas où ça allait me mener, mais dans mon esprit, c’était très artistique. Pensez-vous que les Marocains sont maintenant réconciliés avec le passé, et que le film sera bien accueilli par le public national? Je ne saurais dire de tous les Marocains, mais tous ceux je que je connais, ceux qui ont vu mon film partout dans le monde, que j’ai rencontré, qui ont été présents à Marrakech, quasiment tous se sont identifiés à cette histoire et à ce film. Ils retrouvent une partie de leur passé, bien qu’effacée peut-être. Je peux dire que, oui, ma famille et moi sommes réconciliés avec le passé. On a pu en parler. Je crois qu’il faut parler des choses au lieu de les cacher. Parce que, en parlant, cela veut dire qu’il n’y a rien à cacher, qu’il n’y a pas de problème, et qu’on peut penser au futur. Ce qui est intéressant pour moi, c’est de parler librement du passé pour pouvoir passer à un futur plus lumineux et plus puissant. Car qui n’a pas de passé, ne peut pas parler d’un futur. Je pense que le public marocain qui a vu le film à Marrakech était très content. L’interaction a été excellente, et j’ai adoré les séances de questions-rénonses. Les gens étaient là pour apprécier une œuvre d’abord. J’avais souvent remarqué combien le public marocain est très difficile à convaincre. Avec la projection de « La mère de tous les mensonges », ce ne fut vraiment pas le pas le cas. La sortie nationale est prévue le 21 février, car j’ai souhaité que le film sorte d’abord au Maroc, avant la France, le 28 février. Je suis très heureuse de retrouver mon public marocain. Après l’Étoile d’Or, le film a été sélectionné dans la shortlist des films étrangers qui seront en lice pour la 96ème cérémonie des Oscars. Heureuse? Je prie comme tous les Marocains pour être nominée ! Je fais mon travail bien sûr de projections partout dans le monde, avec mon équipe. J’exécute les conseils et les règles de l’Académie pour être dans les normes. C’est beaucoup d’efforts parce qu’il y a de nombreuses règles posées par l’Académie des Oscars. Il me reste plus qu’à attendre, et je rêve comme tous les Marocains d’être nominée pour la première fois. Cela va être ça va être une grande joie. « J’ai commencé par une photo etj’aijini avec 500 heures de rush ! 99

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