Essaouira, scène éternelle du 7e art.
Depuis les années 1930, cette ville côtière, nichée entre l’océan Atlantique et un arrière-pays d’une beauté sauvage, s’impose comme un joyau cinématographique du Maroc. Sa silhouette intemporelle, son ambiance envoûtante, et ses paysages variés en ont fait un lieu de tournage prisé, attirant réalisateurs, producteurs et stars du grand écran. Aujourd’hui, plus de cent films ont été tournés à Essaouira, faisant de cette ville l’un des lieux de tournage les plus emblématiques du royaume.
Mais Essaouira n’est pas seulement un décor. Elle incarne une atmosphère unique, un mélange d’émotions visuelles et sensorielles, qui traverse les époques et les récits, et imprègne chaque scène qui y est filmée.
Ce n’est pas un hasard si la médina d’Essaouira, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, est l’un des endroits les plus filmés au Maroc. Chaque ruelle, chaque échoppe, chaque passage entre les murs blanchis à la chaux semble raconter une histoire. Les remparts, bâtis pour résister aux assauts du temps et aux vagues de l’océan, s’élèvent face à un horizon infini, tandis que les portes colorées, les souks animés, et les plages dorées confèrent à la ville une esthétique riche et contrastée, où se mêlent l’architecture arabo-andalouse, les influences portugaises et l’atmosphère bohème qui flotte dans l’air. Ce décor, à la fois authentique et malléable, offre aux cinéastes une toile de fond aussi diverse que les récits qu’ils souhaitent y inscrire, qu’ils soient historiques, contemporains, ou même fantastiques.
L’histoire cinématographique d’Essaouira remonte bien avant l’avènement des blockbusters. Dès les années 1930, la ville abritait l’un des premiers cinémas du Maroc, un modeste établissement qui fut l’un des premiers foyers de culture cinématographique pour les Marocains. Bien que ce cinéma n’existe plus aujourd’hui, il représente les prémices d’une relation solide et durable entre la ville et le cinéma.
Les réalisateurs ont immédiatement vu en Essaouira un cadre naturel d’une beauté brute et envoûtante, idéal pour mettre en scène des récits aux résonances universelles. L’authenticité de ses paysages, ses contrastes entre mer et montagne, ses médinas pittoresques, ont attiré une multitude de cinéastes à la recherche de lieux chargés d’histoire et d’émotions visuelles puissantes. Depuis les années 1950, Essaouira est devenue un lieu fétiche, un décor où se sont écrites des pages mémorables de l’histoire du cinéma mondial.
C’est en 1952 qu’Essaouira entre véritablement dans la légende du cinéma, grâce à Orson Welles et son adaptation de la célèbre œuvre de Shakespeare, "Othello". Le maître du cinéma, tombé sous le charme de la ville, y tourna plusieurs scènes d’une rare intensité. Les remparts d’Essaouira, les dunes et la lumière marocaine ont contribué à transformer cette adaptation en un chef-d'œuvre visuel. En hommage à cette collaboration, une place de la médina porte aujourd’hui le nom d’Orson Welles, éternisant ainsi ce lien indissoluble entre la ville et l'art cinématographique.
Depuis ce tournage emblématique, la ville n’a cessé d’attirer des productions internationales. Dans "John Wick 3: Parabellum" (2019), l’acteur Keanu Reeves poursuit une course-poursuite effrénée à travers les ruelles de la médina et les marchés animés, apportant à la ville une dimension moderne et dynamique. Essaouira a également été immortalisée dans des productions telles que "Game of Thrones", où elle représente la mythique ville d’Astapor, ou encore "Kingdom of Heaven" de Ridley Scott, où les paysages maritimes et désertiques servent de toile de fond à un récit historique grandiose. Des films comme "La Source des femmes" de Radu Mihaileanu ont également inscrit Essaouira dans l’histoire du cinéma, grâce à ses paysages saisissants et son atmosphère unique, qui apportent profondeur et émotion aux récits racontés.
Mais le lien entre Essaouira et le cinéma ne se limite pas aux tournages. La ville elle-même est un véritable patrimoine vivant, nourri par la passion des habitants et les multiples initiatives culturelles qui y voient le jour. Chaque année, des événements tels que des projections en plein air, des festivals de cinéma, et des résidences d’artistes permettent à Essaouira de valoriser son identité cinématographique.
Le Festival des Andalousies Atlantiques, bien que centré sur la musique, illustre la manière dont la ville continue d’être un carrefour culturel, où les arts et le cinéma se croisent et se nourrissent mutuellement. Les Souiris eux-mêmes sont fiers de partager les souvenirs des tournages passés, des anecdotes de plateaux et des rencontres avec des célébrités. Ce partage de l’histoire cinématographique locale entre générations crée un véritable récit collectif, une mémoire vivante qui perpétue l’héritage de la ville dans le monde entier.
Essaouira n’est pas seulement un lieu de tournage, elle est une muse. Elle inspire, elle transforme, elle révèle. Chaque pierre de la médina, chaque souffle de vent qui balaie les plages dorées, chaque instant capturé sur pellicule semble imprégné de poésie cinématographique. Cette ville, entre art et éternité, continue de rayonner bien au-delà de ses remparts. Et si chaque scène filmée à Essaouira est une trace dans la mémoire collective, alors la ville n’a pas fini d’écrire sa propre légende, une légende où le cinéma et l’art se confondent dans un même souffle.
Par Tarik Kerdoudi
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