« Homo Argentum » : quand le cinéma rallume le feu des divisions en Argentine

« Homo Argentum » : quand le cinéma rallume le feu des divisions en Argentine

mardi 19 août 2025

Depuis sa sortie le 14 août, le film « Homo Argentum », réalisé par Mariano Cohn et Gastón Duprat, avec Guillermo Francella en vedette, s’impose comme l’un des plus grands succès du box-office argentin. Avec plus de 467 000 spectateurs en seulement quatre jours, des files interminables devant les salles et un public partagé entre rires et malaise, l’œuvre dépasse le cadre du divertissement pour devenir un phénomène politique.

Le concept est aussi simple que corrosif : 16 séquences satiriques où Francella incarne tour à tour les stéréotypes de « l’Argentin moyen » — du macho misogyne au politicien corrompu, en passant par l’aficionado de football ou le bourgeois cynique. Un miroir cruel mais assumé qui joue avec les symboles de la société : l’asado, la religion, l’argent, la nostalgie et l’humiliation sociale.

« Cela reflète ce que nous sommes : solidaires, généreux, attachés à la famille… et escrocs », résume Francella. Son partenaire Duprat prévenait déjà : l’ironie traverse tout le film, mais le moment du « c’était une blague » n’arrive jamais.

Ce qui aurait pu rester une querelle cinéphile a pris une tournure nationale après l’entrée en scène du président Javier Milei, fervent spectateur du film — il l’a vu deux fois — et qui y voit une arme dans sa « bataille culturelle ». « Ce film les blesse profondément car il leur tend un miroir qui révèle tout ce qu’ils sont », a-t-il déclaré à propos de ses adversaires politiques, se félicitant aussi qu’aucun peso d’argent public n’ait financé la production. Milei est allé jusqu’à organiser une projection privée avec son cabinet, érigeant le film en symbole ultralibéral.

En face, l’opposition dénonce un cinéma livré aux lois du marché et une caricature jugée insultante, notamment pour les femmes argentines, réduites à des rôles d’« idiotes », de « manipulatrices » ou de « folles dangereuses ». Des voix du monde culturel ont également reproché à Francella ses attaques contre le « cinéma d’auteur », accusé de se couper du grand public.

La polémique s’est vite enflammée : pour certains, « Homo Argentum » n’est qu’une ode au machisme et au mépris social ; pour d’autres, une satire courageuse qui ose briser les tabous. La critique est tout aussi divisée, oscillant entre « chef-d’œuvre satirique » et « film apatride ».

Mais une chose est certaine : tout le monde en parle. Entre rires gênés et indignations, le film aura réussi à mettre en lumière une réalité paradoxale : en Argentine, il est plus facile de rire de soi que de se mettre d’accord sur ce que l’on voit dans le miroir.

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