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GROS PLAN
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                                                             fils serait plus fort en passant par des attitudes, des
                                                             regards, des silences… Dans le film, on est dans l’action
                                                             pure et dans une temporalité courte, les personnages
                                                             n’ont pas le temps de développer de longs dialogues.
                                                             Ce sont les actions, les décisions, les non-choix qui
                                                             nous éclairent sur la psychologie des personnages
                                                             et sur leur relation. En tant que spectateur, je pense
                                                             que c’est plus intéressant de ne pas avoir toutes les
                                                             clés, d’avoir un espace d’interprétation et de liberté de
                                                             lecture.
                                                             Les “meutes”, ce sont aussi les bandes de 
                                                             gangsters qui s’affrontent. Comme dans le film 
                                                             noir, le banditisme est un vecteur de regard 
                                                             social sur un pays.
                                                             Le contexte du gangstérisme traduit une certaine
                                                             misère sociale. L’illégalité est un moyen de survie. Au
                                                             début, Hassan veut acheter de la viande pour sa mère
                                                             mais n’en a pas les moyens. Il va alors accepter une
                                                             mission pour l’un des gangs. Le Maroc se développe
                                                             mais toute une partie de la société est laissée sur
                n’y arrivait pas. J’avais prévenu l’équipe et le chef   le côté et ces gens se retrouvent piégés dans des
                opérateur que les deux acteurs seraient le cœur du   engrenages tels que celui montré dans le film. Mes
                film, qu’ils étaient supers mais n’étaient pas des   acteurs font partie de ce genre de milieu. Mais malgré
                professionnels. Ils sont très intenses devant la caméra   la dureté, parfois même une forme de bestialité de
                mais aussi dans la vie. Le but était de ne pas abîmer   la part des gangsters, il y a toujours au fond de ces
                leur intensité naturelle par trop de contraintes   populations une humanité. Pendant les castings, j’ai
                techniques. Ils n’arrivaient pas à respecter les   rencontré des dizaines de jeunes issus de ces quartiers
                marques, par exemple, donc notre méthode devait   et quand on évoquait avec eux les épisodes un peu
                s’adapter à eux.                             dangereux de leur vie, ils disaient toujours “j’aimerais
                                                             ne pas avoir à faire ça mais je n’ai pas le choix”. Cette
                Sur une trame minimale de film noir, Les Meutes   dimension sociale était un des éléments forts du
                évoque beaucoup de sujets. Par exemple, le   film. Quand on tournait dans les quartiers, les gens
                rapport père-fils, qui semble s’inverser.    venaient et réclamaient leur petit billet. La survie était
                Au Maroc, la figure du père et la masculinité   omniprésente.
                en général sont très différentes des conceptions
                occidentales. Au Maroc, il existe un très grand   La religion est présente, à la fois sous forme 
                respect envers le père, on ne conteste pas sa parole,   magique, choses illégales ou amorales mais tient 
                on ne peut pas faire sa crise d’adolescence. Quand on   à enterrer selon les codes religieux le type qu’ils 
                a dit à l’acteur qui joue le fils, “lui, ce sera ton père”,   ont tué.
                un rapport de déférence s’est installé entre eux. La   La religion est très présente dans la culture marocaine,
                trajectoire du film, c’est ça : un fils qui accepte tout de   et je dirais même que c’est une forme de superstition :
                son père alors qu’il sait très bien au fond de lui que le   la peur d’être maudit, la peur de subir un châtiment
                père prend des mauvaises décisions.          divin… Les gens peuvent accepter de faire des choses
                                                             pas très morales pour survivre mais la chape de
                En même temps, Issam (le fils) obéit avec    superstition est toujours présente. Même les gens
                réticence, se permet même de critiquer ou    les plus éduqués et cartésiens ont cette dimension en
                d’engueuler Hassan, son père.                eux. Dans les dialogues, dieu est toujours là : que Dieu
                Oui, mais malgré ses réticences, il le suit, il ne   t’aide, que Dieu te maudisse, que Dieu te guide, etc.
                l’abandonne pas. Et il lui dit quand même des choses   C’est ancré dans la façon d’être des Marocains. Et ça
                très dures. À un moment, Issam prend le volant de   induit une ironie tout au long du film.
                leur véhicule, concrètement et symboliquement.   C’est difficile de faire disparaître un cadavre : cette 
                Il se rend bien compte que le père a lâché prise. En   difficulté est le cœur narratif de votre film.
                écrivant le scénario, je ne voulais pas charger le film   Le film n’est pas une franche comédie, il est très
                de psychologie, il me semblait que ce rapport père-  sombre, mais il comporte une ironie souterraine. J’y ai



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