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DANS L’ŒIL DE LA CAMÉRA
arrivent avec une énergie brute, une
fraîcheur et une vérité que rien ne peut Quelle est votre vision du rôle
remplacer. Ils n’ont pas encore été du réalisateur aujourd’hui, dans
enfermés dans des habitudes ou des un paysage cinématographique
“tics” de jeu, et cela leur permet d’aborder marocain en pleine mutation ?
un rôle avec une liberté précieuse.
En leur donnant de la place, je ne cherche pas Je crois que le rôle du réalisateur, aujourd’hui
seulement à révéler de nouveaux talents, mais plus que jamais, dépasse celui d’un simple
à inscrire mon travail dans une continuité. metteur en images. Dans un paysage marocain
Le cinéma marocain a besoin de voix neuves, de en pleine mutation, il doit être à la fois un
visages inédits, de sensibilités différentes. C’est passeur, un témoin et un artisan. Un passeur,
une responsabilité, presque un devoir, pour parce qu’il porte la responsabilité de transmettre
ma génération de cinéastes : accompagner ces des récits, des imaginaires, des mémoires
jeunes, leur offrir un espace où ils peuvent se qui risqueraient autrement de s’effacer. Un
confronter à la caméra, s’exprimer, s’inventer. témoin, parce que son cinéma doit dialoguer
Préparer l’avenir du cinéma marocain, c’est avec la réalité sociale, politique et intime de
aussi cela : transmettre, non pas comme une son pays. Et un artisan, parce que dans nos
leçon figée, mais comme un dialogue. conditions de production souvent précaires,
il doit savoir inventer, aménager en amateur
C’est, à mes yeux, une responsabilité. Nous mais avec ingéniosité, réinventer les moyens
avons hérité d’un cinéma encore jeune, fragile, de faire un film sans jamais trahir sa vision.
parfois marginalisé. À nous de le nourrir pour Le cinéma marocain se construit encore,
qu’il devienne une force, une évidence. il est en quête de sa voix propre, au-delà
des modèles importés. Dans ce contexte, le
Cinenews Sept.-Oct.-Nov. 2025